Ordonnance de référé du 09 octobre 2001 (Gaël Roblin)
COUR D’APPEL DE
RENNES
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MORLAIX
N° du dossier : 01/00095
ORDONNANCE DE REFERE DU 09 OCTOBRE 2001
A l’audience publique des référés tenue le neuf Octobre deux mille un,
Nous, Guy JEAN, président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MORLAIX, Juge des
Référés assisté de Ghislaine MORVAN, FF De GREFFIER.
ENTRE:
Monsieur Gaël ROBLIN né le 27 Décembre 1972 à L’HAYE LES ROSES, demeurant 1
chemin de la Robertière (Act DETENU M.A LA SANTE) - 44800 ST HERBLAIN
DEMANDEUR Maître Ronan APPERE, avocat Maître TCHOLAKIAN, avocat
ET:
Monsieur Philippe AMAURY, direct.Pub Journal Le Parisien, demeurant 25, avenue
Michelet - 93400 ST OUEN
Monsieur Frédéric VEZARD, Journaliste Journal Le Parisien, demeurant 25, avenue
Michelet - 93400 ST OUEN
SNC LE PARISIEN LIBERE, demeurant 25, avenue Michelet -93400 ST OUEN
DEFENDEURS Maître Noël LOUVET, avocat
Après avoir entendu les parties, le 04.092001 en l’exposé de leurs prétentions
et en leurs observations, et en avoir délibéré
Avons rendu la décision dont la teneur suit
Par acte du 28/05/2001 dans lequel il expose ses demandes, moyens et motifs et
auquel la juridiction saisie se réfère expressément, Christian GEORGEAIJLT a
assigné Philippe AMAURY directeur de la Publication du journal "LE PARISIEN",
Frédéric VEZARD journaliste du "LE PARISIEN’ et LA SNC LE PARISIEN LIBERE devant
le Président du Tribunal de Grande Instance de Morlaix statuant en matière de
référé, afin que ce dernier
dise et juge que les défendeurs ont porté gravement atteinte, dans un article du
journal "Aujourd’hui en France", sous la rubrique "Faits Divers", sous le titre
"Terrorisme" en page 13, à la présomption d’innocence dont il bénéficie en
application des dispositions de l’article 9-1 du Code Civil
condamne les défendeurs à lui payer la somme de 50000 frs à titre de dommages
intérêts
condamne les défendeurs sous astreinte de 10000 frs par jour de retard, à
publier, dans le journal " Aujourd’hui en France " sous la rubrique "Faits
Divers "" en page 13 et dans un format identique à l’article dont il a fait
l’objet, un communiqué rappelant notamment les dispositions de l’article 9-1 sus
évoqué
condamne les défendeurs outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 10000
frs en application des dispositions de l’article 700 du NCPC
En défense, Philippe AMAURY, Frédéric VEZARD et LA SNC LE PARISIEN L1BERE par
conclusions écrites soutenues oralement et auxquelles la juridiction saisie se
réfère expressément sollicitent du juge des référés, que le demandeur soit
débouté de l’ensemble de ses demandes celles-ci n’étant pas fondées
Chacune des parties présentes ou représentées ayant pu s’exprimer, l’affaire a
été mise en délibéré au 16/08/2001
A cette date, la décision suivante a été rendue
Avant dire droit
Ordonnons la réouverture des débats au mardi 04/09/2001, 11 heures
Disons qu’à cette date Gaël ROBLIN devra, après les avoir régulièrement
communiqués à ses adversaires, fournir à la juridiction saisie les documents et
éléments démontrant les chefs exactes de sa mise en examen
A l’audience du 04/09/2001 l’affaire a de nouveau été évoquée ; Gaël ROBLIN
produit à la Juridiction saisie la copie de l’ordonnance de mise en accusation
délivrée à son encontre par le Juge d’instruction de Paris le 09/05/2000
Chacune des parties présentes ou représentées ayant pu s’exprimer, l’affaire a
été mise en délibéré au 09/10/2001
DISCUSSION
En application des dispositions de l’article 9-1 du Code Civil:
"Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence
Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme
étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction
judiciaire, Je juge peut, même en référé, ordonner de faire cesser l’atteinte à
la présomption d’innocence sans préjudice d’une action en réparation des
dommages subis et des autres mesures qui peuvent être prescrites en application
du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, aux frais de la personne physique ou
morale, responsable de l’atteinte à la présomption d’innocence"
Partant de la lecture de cet article il apparaît clairement que la personne dont
la présomption d’innocence a été bafouée, doit rapporter la preuve qu’avant
toute condamnation elle a été publiquement présentée comme étant coupable de
faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire
En l’espèce il n’est pas inutile de rappeler que les chefs de mise en examen qui
ont été notifiés à Gaël ROBLIN par le Juge d’Instruction de Paris, le
09/05/2000, sont les suivants
"destructions, dégradations, détériorations de biens appartenant à autrui par
l’effet d’une substance explosive, commises en bande organisée (PORNIC),
tentative de destructions dégradations détériorations de biens appartenant à
autrui par l’effet d’une substance explosive, commises en bande organisée
(RENNES),
destructions, dégradations, détériorations de biens appartenant à autrui par
l’effet d’une substance explosive ayant entraîné la mort (QUE VERT),
infractions à la législation sur les explosifs
association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes de terrorisme,
toutes infractions en relation, à titre principal ou connexe, avec une
entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement
l’ordre public par l’intimidation ou la terreur"
Force est de constater que Gaël ROBLIN rapporte bien, en l’espèce la preuve
qu’il a bien été victime d’une violation de la présomption d’innocence attachée
à sa personne
La Juridiction constate en effet que dans l’article du journal "Aujourd’hui en
France", sous la rubrique "Faits Divers", sous le titre "Terrorisme", en page
13, Gaël ROBLIN est, sans aucune nuance ou précaution, présenté comme faisant
partie de I’ARB, organisation reconnue par les instances tant politiques que
judiciaires françaises comme une association de malfaiteurs ayant pour objet de
préparer des actes de terrorisme, puisque le rédacteur de l’article précise
"Officiellement ces nationalistes (donc notamment Gaël ROBLIN) appartiennent au
groupuscule d’extrême gauche EMGANN. L’‘enquête a démontré leur appartenance à
l’ARB"
En prenant à son compte une conclusion qui n’appartient qu’à la juridiction
devant laquelle sera éventuellement présenté Gaël ROBLIN le journaliste auteur
de l’article incriminé, et par suite ceux qui en ont permis ou autorisé la
publication, se sont rendus coupables d’une violation de la présomption
d’innocence qui bénéficie au demandeur, tant qu’une juridiction n’en a pas
décidé autrement - par une sentence devenue définitive
La juridiction saisie précise que le reste de l’article querellé alors même
qu’il relate des faits très graves dont se serait rendu coupable Gaël ROBLIN
notamment en remettant à un journaliste de Cana1+ une disquette de revendication
d’attentats contenant un communiqué de l’ARB, rempli par ses soins n’est
nullement constitutif d’une violation de sa présomption d’innocence car le
journaliste ne fait que relater des éléments du dossier, en en tirant aucune
conclusion définitive, en précisant qui est à l’origine de ces révélations et en
prenant soin de souligner que le dit révélateur est revenu depuis sur ses
déclarations
Ceci dit, les dispositions de l’article 9-1 du Code Civil n’oblige en rien le
juge saisi d’ordonner de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence
même constatée, puisque le dit article utilise la formule suivante "le juge peut
(et non doit) ………… ordonner de faire cesser l’atteinte à la présomption
d’innocence"
Il est donc manifeste que la Juridiction saisie n’est pas contrainte d’ordonner
une telle mesure, notamment, elle peut parfaitement écarter celle-ci quant il
n’est pas démontré, comme en l’espèce, d’une part qu’au moins au jour de l’acte
introductif d’instance, soit le 28/05/2001 l’atteinte en question existait
toujours (l’article querellé est du 21/04/2001) et d’autre part, si c’était le
cas, que l’atteinte à la présomption d’innocence en question, était d’une
gravité telle que seule une publication comme celle qui est réclamée, pouvait la
faire cesser.
En conclusion la Juridiction saisie Juge et décide qu’il n’y pas lieu de faire
droit à la demande de condamnation les défendeurs sous astreinte de 10000 F par
jour de retard, à publier, dans le journal "Aujourd’hui en France" sous la
rubrique "Faits Divers " en page 13 et dans un formai identique à I ‘article
dont il a fait l’objet, un communiqué rappelant notamment les dispositions de
l’article 9-l sus évoqué.
La Juridiction saisie admet cependant qu’un dommage a bien été subi par Gaël
ROBLIN par le fait de la violation de la présomption d’innocence qui a été
décrite plus haut, aussi les défendeurs seront-ils condamnés à lui payer la
somme de I franc (0, 152 Euro) à titre de dommages et intérêts
Il n’est pas inéquitable de laisser à Gaël ROBLIN la charge de ses frais
irrépétibles. Les défendeurs seront 9-1condamnés aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Nous, Guy JEAN, Président du Tribunal de Grande Instance de Morlaix, statuant en
matière de référé, publiquement, par décision contradictoire et en premier
ressort,
Vu notamment les dispositions de l’article 9-1 du Code Civil
Constatons que Philippe AMAURY directeur de la Publication du journal "LE
PARIS1EN~’, Frédéric VEZARD, journaliste du "LE PARISIEN" et LA SNC LE PARISIEN
LIBE~ ont porte atteinte le 2h 04/2001, dans un article du journal "Aujourd’hui
en France", sous la rubrique "Faits Divers, sous le titre "Terrorisme en page
13, à la présomption d’innocence dont Gaël ROBLIN bénéficie en application des
dispositions de l’article 9-1 du Code Civil
Disons cependant n’y avoir lieu de faire droit à la demande de Gaël ROBLIN de
condamnation des défendeurs sous astreinte de 10000 frs par jour de retard, à
publier, dans le journal "Aujourd’hui en France", sous la rubrique "Faits
Divers" en page 13 et dans un format identique a l’article dont il a fait
l’objet, un communiqué rappelant notamment les dispositions de l’article 9-1 sus
évoqué
Condamnons solidairement Philippe AMAURY directeur de la Publication du journal
"LE
PARISIEN ", Frédéric VEZARD, journaliste du "LE PARISIEN" et LA SNC LE PARISIEN
LIBERE à paver à Gaël ROBLIN la somme de 1 franc (0,152 Euro) à titre de
dommages et intérêts
Condamnons solidairement Philippe AMAURY directeur de la Publication du journal
"LE
PARISIEN", Frédéric VEZARD, journaliste du "LE PARISIEN" et LA SNC LE PARISIEN
LIBERE aux entiers dépens
Ainsi jugé et prononcé à l’audience du 09/10/2001
LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT