Arrêt "Mouisel contre France"
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MOUISEL c. FRANCE
(Requête no 67263/01)
ARRÊT
STRASBOURG
14 novembre 2002
DÉFINITIF
21/05/2003
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de
la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Mouisel c. France,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une
chambre composée de :
M. C.L. Rozakis, président,
Mme F. Tulkens,
MM. J.P. Costa,
P. Lorenzen,
Mme N. Vajić,
MM. E. Levits,
A. Kovler, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 21 mars 2002 et 24 octobre
2002,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 67263/01) dirigée contre
la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Jean Mouisel ("
le requérant "), a saisi la Cour le 8 octobre 2000 en vertu de l’article 34 de
la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales
(" la Convention ").
2. Le requérant est représenté devant la Cour par Me Nelly Petriat, avocate au
barreau de Pau. Le gouvernement français (" le Gouvernement ") est représenté
par son agent, M. Ronny Abraham, Directeur des Affaires juridiques au ministère
des Affaires étrangères.
3. Le requérant, atteint d’une leucémie, alléguait que son maintien en détention
constituait une violation de l’article 3 de la Convention.
4. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1
du règlement). Le 11 avril 2001, la Cour a décidé, en vertu de l’article 41 de
son règlement, que la requête serait traitée en priorité. Le 1er novembre 2001,
la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement).
La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée
(article 52 § 1).
5. Par une décision du 21 mars 2002, la Cour a déclaré la requête recevable.
6. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur
le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement). La Cour ayant décidé, le 4
juillet 2002, après consultation des parties qu’il n’y avait pas lieu de tenir
une audience consacrée au fond de l’affaire (article 59 § 2 in fine du
règlement), les parties ont chacune soumis des commentaires écrits sur les
observations de l’autre.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
7. Le requérant est né en 1948 et réside à Fougaron.
8. Le 12 juin 1996, le requérant fut condamné par la cour d’assises de
Haute-Garonne à une peine de quinze ans d’emprisonnement pour vols en bande
organisée avec arme, séquestration et escroquerie. Il fut incarcéré à la maison
centrale de Lannemezan (Hautes-Pyrénées).
9. A la fin de l’année 1998, son état de santé se détériora.
10. Le 8 janvier 1999, un médecin de l’unité de consultation et de soins
ambulatoires (U.C.S.A) de la maison centrale de Lannemezan délivra un certificat
médical dans lequel on pouvait lire :
" Il s’agit d’un patient qui présente des antécédents [médicaux] lourds (...)
Récemment, a été découvert chez ce patient une leucémie lymphoïde chronique de
type B faiblement tumorale (...)
Cette leucémie ne s’accompagne pas pour l’instant d’une altération des autres
lignées en particulier il n’y a pas d’anémie, ni de thrombopénie.
On note par contre des adénopathies axillaires bilatérales prédominantes à
droite.
Certificat fait à la demande de l’intéressé et remis en main propre dans le
cadre d’une demande de libération conditionnelle médicale. "
11. Le 30 septembre 1999, un autre rapport médical indiquait ceci :
" Il s’agit d’un patient qui présente une leucémie lymphoïde chronique
responsable d’une asthénie importante. Par ailleurs, il présente des séquelles
orthopédiques d’un traumatisme du genou gauche et de la cheville gauche avec
comme séquelles, une arthrose fémoro-patellaire et fémoro-tibiale gauche rendant
la position assise prolongée, jambes pliées, pénible.
D’autre part, en raison des séquelles orthopédiques qu’il présente au niveau du
membre inférieur gauche, ce patient doit se déplacer avec une canne.
Son état de santé n’est pas compatible avec le port des entraves au niveau des
membres inférieurs ".
12. Le 6 décembre 1999, le médecin de l’UCSA précisa que le port d’entraves aux
membres inférieures était contre indiqué.
13. Le requérant présenta une demande de grâce médicale auprès de la présidence
de la République qui fut rejetée le 7 mars 2000.
14. Le 31 mars 2000, l’observatoire international des prisons (O.I.P) publia un
communiqué :
" Pas de libérations anticipées pour les détenus atteints de pathologies graves.
Le garde des sceaux a rejeté le 7 mars 2000 les recours en grâces formés en
faveur d’un détenu atteint d’une pathologie d’évolution rapide.
Jean Mouisel, âgé de 52 ans, est actuellement incarcéré au centre de détention
de Lannemezan. Il présente une leucémie lymphoïde chronique diagnostiquée en
novembre 1998. J Mouisel a purgé les deux tiers de sa peine. Compte tenu des
réductions de peine, il arrive en fin de peine en 2002. Le 24 février 2000, un
médecin de l’USCA du centre pénitentiaire de Lannemezan établit un certificat
attestant de la transformation de la maladie en lymphone, rendant ainsi
nécessaire la mise en place d’une chimiothérapie anticancéreuse prolongée. Ce
détenu subit des extractions médicales hebdomadaires vers l’hôpital civil et
doit endurer sa maladie en détention. Il ne peut recevoir de visites de ses
proches qu’une fois par semaine, suivant le régime en vigueur dans cet
établissement.
Des recours en grâces ont été intentés par le médecin ainsi que des
associations. La Chancellerie, qui centralise les demandes et prend une première
décision, n’a pas jugé bon de transmettre le dossier à la présidence de la
République.
L’OIP rappelle que " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements dégradants " (article 3 de la Convention européenne de sauvegarde
des Droits de l’homme) ".
15. Le 12 mai 2000, le médecin de l’UCSA établit un autre certificat médical :
" Ce patient est porteur d’une leucémie lymphoïde chronique diagnostiquée en
novembre 1998 avec, actuellement, transformation en lymphone.
Le diagnostic de lymphone a été porté début février 2000 au cours d’une
consultation auprès du service d’hématologie auprès de l’hôpital de Purpan de
Toulouse.
Actuellement, l’état de santé de Monsieur Mouisel nécessite une prise en charge
anti-cancéreuse sous forme d’une chimiothérapie réalisée en hospitalisation de
jour toutes les trois semaines.
Cette chimiothérapie est actuellement réalisée au centre médico-chirurgical de
l’hôpital de Lannemezan. Ce patient devra bénéficier d’une réévaluation de sa
pathologie hématologique début août 2000 à l’issue de la chimiothérapie
actuellement entreprise.
Par la suite, il est prévu la poursuite d’une chimiothérapie mais par voie orale
en fonction de la réévaluation qui sera faite au CHU à Toulouse.
En ce qui concerne la compatibilité avec le maintien en détention, celle-ci
reste à déterminer par expertise. "
16. Le 3 juin 2000, le requérant s’adressa au directeur de la maison centrale
pour lui relater une séance de chimiothérapie, en date du 30 mai 2000, à
l’hôpital de Lannemezan :
" (...) Au bout d’une heure 45 minutes, vu la violence du débit de mon goutte à
goutte, celui-ci me faisait trop mal. Tant la souffrance était grande, j’ai dû
diminuer la vitesse du débit. Mon geste n’a pas plu au surveillant M. T., le
chef d’escorte, rouge de colère, il est entré en hurlant dans la chambre en
criant. Il m’a fait remarquer que si l’infirmière avait ouvert le débit en grand
du goutte à goutte, que je n’avais pas y toucher. Je le cite " il n’allait pas
ainsi que son collègue de l’escorte passer toute la journée à l’hôpital ".
Surpris par tant d’agressivité à mon encontre, j’ai voulu arracher le goutte à
goutte. La douleur était trop violente, me faisait souffrir, ceci devenait
insupportable (...) L’intervention du docteur et de l’infirmière (...) m’ont
convaincu de terminer la séance de chimiothérapie. Après le départ du médecin le
chef d’escorte m’a dit que cette affaire se réglerait au retour à la maison
centrale.
A la fin de cette séance de chimiothérapie, j’étais au plus mal, tant cette
injection m’avait fortement affaibli (...). Je fus dûment enchaîné au poignet,
et traîné avec vigueur et brutalité par la chaîne que tirait le surveillant dans
les couloirs de l’hôpital sans doute en signe de représailles. La matin à notre
arrivée, j’étais normalement enchaîné au poignet sans être brusqué.
Monsieur le Directeur, je suis soigné pour une leucémie, c’est à dire pour un
cancer du sang qui n’a rien à voir avec une grippe quelconque ! Car dans mon cas
hélas il n’y a pas de guérison possible, la maladie que j’ai attrapée ici à la
maison centrale de Lannemezan est incurable.
En conclusion, je déduis légitimement que les personnels pénitentiaires
d’escorte, demandent régulièrement aux infirmières de l’hôpital de faire le
nécessaire pour m’injecter au plus vite mon traitement afin de ne pas passer la
journée à m’attendre.
Donc ce problème n’a pas de solution pour l’instant sur le plan administratif je
dois dans l’immédiat renoncer aux séances de chimiothérapie. Ce n’est pas que je
refuse le traitement mais les conditions satisfaisantes ne sont pas réunies
(...) Voilà plusieurs mois que cela dure et je ne le supporte plus, mon état
physique ne me le permet pas et mon moral se dégrade de jour en jour. Je suis en
train de mourir, je voudrais que cela se fasse dans la paix et non dans une
atmosphère de lutte. "
17. Suite à une autre demande de grâce médicale, un expert près la cour d’appel
de Pau fut mandaté par le ministère de la justice pour procéder à une expertise
visant à décrire l’état de santé du requérant, définir la nature et les
modalités des soins nécessaires, préciser les perspectives d’évolution
concernant notamment l’espérance de vie et déterminer si son état de santé et
les traitements actuellement en cours ou prévisibles sont compatibles avec une
détention en milieu spécialisé. L’expert procéda à sa mission le 28 juin 2000 et
relata ce qui suit :
" (...) Sur les faits nouveaux
Selon le certificat du 12 mai 2000, M. Mouisel présente une pathologie de
leucémie chronique diagnostiquée en 1998, en transformation lymphomateuse
actuelle (...)
Cet état a nécessité une mise en place d’une chimiothérapie lourde avec
implantation d’une voie d’abord par " port à cath "
Son état a également justifié son transport en véhicule sanitaire léger lors de
ses transferts à l’hôpital pour la réalisation de la chimiothérapie (réalisation
de l’hôpital de jour au centre médico-chirurgical de l’hôpital de Lannemezan) à
raison d’une cure d’abord toutes les semaines puis toutes les trois semaines
(...)
Etat clinique au jour de l’examen :
Symptomatologie fonctionnelle exprimée par les doléances de l’intéressé
- asthénie et fatigabilité permanentes ;
- réveils nocturnes douloureux ;
- (...)
- fatigabilité musculaire avec essoufflement ;
- impact psychologique allégué de stress sur son espérance de vie et la
dégradation de son état de santé ; cet état a nécessité la mise en place d’un
traitement antidépresseur en cours actuellement ;
Il est à noter qu’une grande partie de la symptomatologie fonctionnelle est à
mettre sur le compte de la chimiothérapie mis en place (...)
Mention particulière est faite sur une problématique d’accompagnement et de
surveillance lors des extractions pour mise en place de la chimiothérapie en
centre hospitalier, l’intéressé ayant en effet suspendu le consentement à l’acte
depuis le 20 juin 2000.
Examen clinique (...)
Il est à noter que selon production de pièces M. Mouisel est bénéficiaire d ‘un
taux d’invalidité actuel de 80 % (cotorep) sur décision du 6 avril 2000 avec
allocation d’adulte handicapé pour la période du 2/2/99 au 2/2/01.
Conclusion :
Au jour de l’examen, l’état de santé du requérant s’est dégradé par évolution de
sa pathologie hématologique diagnostiquée en novembre 1998 sous la forme d’une
leucémie (...)
Monsieur Mouisel bénéficie actuellement d’une chimiothérapie lourde réalisée en
hospitalisation de jour au centre hospitalier de Lannemezan à raison d’une cure
toutes les trois semaines, par transport médicalisé (véhicule sanitaire léger).
Ce traitement anticancéreux (...) déjà difficilement compatible dans le cadre
d’une détention en maison centrale devient actuellement problématique compte
tenu de la position récente de l’intéressé dans le cadre du non consentement à
l’acte dans les conditions de détention actuelle (et ce depuis le 20 juin 2000,
date prévue pour son traitement).
Cet état de non consentement à l’acte, malgré toute l’information émanant de
l’environnement médical de l’U.C.S.A. de Lannemezan est propre à voir évoluer
rapidement sa nouvelle pathologie avec dégradation de l’espérance de vie de
l’intéressé.
De ce fait, une prise en charge en milieu spécialisé devrait s’imposer. "
18. Le 19 juillet 2000, le requérant fut transféré d’urgence vers le centre de
détention de Muret (en vue d’un rapprochement vers le centre hospitalier
universitaire de Toulouse), où il bénéficia d’une cellule individuelle.
19. Le 3 octobre 2000, le requérant fit une demande de reconnaissance d’accident
post-vaccinal (vaccination contre l’hépatite B, à l’origine de son cancer selon
lui) auprès de la direction des départementale des affaires sanitaires et
sociales de la Haute-Garonne. Il reçut une réponse du bureau de l’éthique et du
droit du ministère de l’emploi et de la solidarité le 24 octobre qui l’informa
de ce que la responsabilité sans faute de l’Etat ne pouvait être engagée qu’à
raison des conséquences dommageables des seules vaccinations obligatoires
imposées par le code de la santé publique. Or, l’obligation vaccinale contre
l’hépatite B ne concerne que certaines catégories professionnelles exposées à un
risque de contamination, ce qui n’est pas le cas du requérant.
20. Le 14 novembre 2000, le requérant se vit notifier une réponse du directeur
régional de l’administration pénitentiaire à la suite de sa requête concernant
l’application de l’article 803 du code de procédure pénale (port des menottes ou
entraves, voir partie droit interne) :
" (...) Les termes de l’article ne [font] pas un accès absolu à l’absence de
menottes ou d’entraves et ne [font] pas expressément référence à l’état de santé
d’une personne détenue. Ils laissent une appréciation aux " prescripteurs " de
mesures de sécurité, gendarmes, policiers ou surveillants. Par ailleurs
responsables des mesures de sécurité.
Le CPP prévoit d’autre part dans son article D 283 le port des menottes et des
entraves dans le simple cadre de " précautions contre les évasions ", à
l’exception de la présentation devant une autorité judiciaire. Dans le cadre de
l’exécution d’une longue peine pour des faits criminels ayant porté atteinte à
l’intégrité sur le physique d’autrui, il est fait application des mesures
appropriées. "
21. Le 20 novembre 2000, le Garde des Sceaux, à la suite d’une requête
introduite par la Ligue des droits de l’homme pour le requérant, rejeta une
demande de grâce.
22. Le 24 novembre 2000, le requérant reçut un courrier de la part du médecin
qui l’avait suivi à Lannemezan :
" (...) En ce qui concerne votre état de santé, il semble effectivement qu’il
existe une évolution actuellement (...) Je crois que cela vaut toujours la peine
de se battre contre une maladie quelle qu’elle soit, même s’il n’y a pas de
guérison possible, il y a une rémission possible et ce d’autant plus que le Dr
N. vous propose une nouvelle chimiothérapie que je vous conseille vivement
d’accepter (...) ".
23. Le certificat médical du 21 février 2001, provenant d’un médecin de
l’hôpital de Toulouse (service d’hématologie) se lit ainsi :
" Monsieur Mouisel est suivi par notre service depuis février 2000 pour une
leucémie lymphoïde chronique avec initialement hypertrophie amygdalienne
bilatérale responsable d’une dysphagie et volumineuse adénopathie axillaire
droite de 15 cm de diamètre.
Il a reçu dans un premier temps une chimiothérapie hebdomadaire selon le
protocole COP puis CVP mensuel puis traitement par chloraminophene.
Les résultats obtenus étaient satisfaisants mais en novembre 2000 nous avons
noté une réaugmentation de taille de l’adénopathie axillaire droite et nous
avons donc repris une chimiothérapie mensuelle selon le protocole CVP toutes les
trois semaines.
Une biopsie ganglionnaire effectuée en janvier a mis en évidence une maladie de
Hodgkin. Il est donc prévu trois cycles de chimiothérapie selon le protocole
ABVD puis une radiothérapie complémentaire ".
24. Par une ordonnance du 22 mars 2001, le juge de l’application des peines du
tribunal de grande instance de Toulouse admit le requérant au bénéfice de la
libération conditionnelle jusqu’au 20 mars 2005 avec obligation de se soumettre
à des mesures de traitement ou de soins médicaux :
" Sur la recevabilité
Attendu que M. Mouisel exerce l’autorité parentale sur sa fille née le
04/09/1993 (...) et pour laquelle aucune peine complémentaire de déchéance de
l’autorité parentale n’a été prononcée.
Que l’article 729-3 du CPP donne compétence au juge de l’application des peines
concernant le cas de détenus ayant moins de 4 ans à purger, et exerçant
l’autorité parentale sur un mineur de moins de 10 ans;
Sur le fond
Attendu qu’il apparaît, à la lecture des certificats médicaux versés aux débats
(7 décembre 2000, 3 janvier et 21 février 2001), que l’état de santé de
l’intéressé est devenu incompatible avec le maintien en détention en raison des
soins médicaux indispensables dans le cadre d’une hospitalisation régulière;
Qu’ainsi la mesure de libération conditionnelle avec hébergement chez son épouse
(cf. attestation du 30 janvier 2001) et soins prodigués selon protocole médical
de l’hôpital Purpan reste opportune, nonobstant le passé judiciaire de
l’intéressé ; (...) "
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS
25. Assemblée nationale – Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la
situation dans les prisons françaises – Tome I – p. 249 – (28 juin 2000)
Extrait de la partie V intitulée " Aller vers l’indispensable maîtrise de la
population pénale "
" A. Retrouver la maîtrise des flux
1) Limiter les incarcérations
e) les détenus malades ou âgés
Le nombre croissant de détenus âgés a déjà été souligné ; 1 455 détenus à la fin
de 1999 étaient âgés de plus de 60 ans et ce nombre a quasiment doublé en quatre
ans. Cette recrudescence est liée notamment à l’accroissement des condamnations
pour harcèlement sexuel, viol ou inceste.
L’inadéquation de la prise en charge de ces détenus et de façon plus large, des
détenus gravement malades ou dépendants, a également déjà été évoquée.
La présence de ces personnes dans les établissements pénitentiaires pose très
concrètement la question de la mort en prison. Les personnels surveillants, les
autres détenus ne sont pas préparés à cette éventualité et rien n’est fait de
façon très encadrée pour accompagner le détenu dans ses derniers instants.
Mourir en prison, c’est affronter une solitude sans espoir ; c’est un constat
d’échec et de gâchis pour les familles qui n’ont pu être présentes dans les
derniers moments.
L’ensemble des personnels pénitentiaires essaient, dans la mesure du possible,
de transférer le malade à l’hôpital dans ses derniers jours ; se pose néanmoins,
là encore, la question des escortes et la difficulté de mobiliser des forces de
police ou de gendarmerie. L’attitude des médecins, qui trop souvent renvoient le
malade en prison une fois l’alerte passée, aussi facilement que si celui-ci
retournait chez lui, a également été maintes fois évoquée ; un cas particulier
au centre de détention de Caen où le médecin a renvoyé le malade en prison où il
est mort deux jours après, semble ainsi avoir particulièrement frappé les
esprits des membres du personnel pénitentiaire.
Il n’est pas digne de mourir en prison. La question du maintien en détention des
détenus malades ou âgés se pose donc. La grâce médicale n’est accordée
aujourd’hui que par le Président de la République. Cette mesure paraît cependant
être proposée parcimonieusement et accordée encore plus prudemment ; en 1998, 27
dossiers ont été présentés au Président de la République et 14 grâces ont été
accordées ; en 1999, 33 propositions pour 18 grâces prononcées.
(...)
Il semble effectivement nécessaire de revoir les procédures de grâce médicale ;
rien ne justifie que cette décision relève encore actuellement du Président de
la République. La procédure devrait relever du juge de l’application des peines
qui pourrait, pour prendre sa décision, s’appuyer sur des expertises médicales
établissant que le détenu est atteint d’une maladie mettant en jeu le pronostic
vital. "
26. Code de procédure pénale (CPP)
i. Depuis une loi du 18 janvier 1994, les soins dispensés aux détenus ont été
transférés au service public hospitalier. Ce sont ainsi les structures médicales
implantées dans les établissements pénitentiaires, dépendant directement de
l’hôpital public situé à proximité de chacun de ces établissements
pénitentiaires, qui dispensent aux détenus les traitements médicaux (article D.
368).
ii. Les dispositions du CPP relatives à la libération conditionnelles sont les
suivantes :
Article 722
" Auprès de chaque établissement pénitentiaire, le juge de l’application des
peines détermine pour chaque condamné les principales modalités du traitement
pénitentiaire. Dans les limites et conditions prévues par la loi, il accorde
(...) la libération conditionnelle (...). Sauf urgence, il statue après avis de
la commission d’application des peines (...)
(...)
(Loi no 2000-516 du 15 juin 2000, applicable à compter du 1er janvier 2001) "
Les mesures (...) de libération conditionnelle sont accordées, ajournées,
refusées, retirées ou révoquées par décision motivée du juge de l’application
des peines saisi d’office, sur la demande du condamné ou sur réquisition du
procureur de la République. "
Article 729
(Loi no 2000-516 du 15 juin 2000) "La libération conditionnelle tend à la
réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. Les condamnés ayant
eu à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier
d’une libération conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de
réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une
activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une
formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue
de leur insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de
famille, soit de la nécessité de subir un traitement. (...) "
(Loi no 92-1336 du 16 décembre 1992) " Sous réserve des dispositions de
l’article 132-23 du code pénal, la libération conditionnelle peut être accordée
lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la
durée de la peine lui restant à subir. Toutefois, les condamnés en état de
récidive (....) ne peuvent bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle
que si la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée
de la peine restant à subir. (...) "
Article 729-3
(Loi no 2000-516 du 15 juin 2000) " La libération conditionnelle peut être
accordée pour tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale
à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine restant à subir est
inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce l’autorité
parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence
habituelle. (...) "
Article 730
" Lorsque la peine privative de liberté prononcée est d’une durée inférieure ou
égale à dix ans, ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée, la
durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans, la
libération conditionnelle est accordée par le juge de l’application des peines
selon les modalités prévues par l’article 722. Dans les autres cas, la
libération conditionnelle est accordée par la juridiction régionale de la
libération conditionnelle, selon les modalités prévues par l’article 722-1.
(...) "
Une circulaire du 18 décembre 2000 (CRIM 00-15 F1), présentant les dispositions
de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence
et les droits des victimes concernant l’application des peines, précise :
" Aux termes des dispositions du nouvel article 729-3 (...), la libération
conditionnelle peut être accordée pour tout condamné à une peine privative de
liberté inférieure ou égale à quatre ans, ou pour laquelle la durée de la peine
restant à subir est inférieure ou égale à quatre ans, lorsque ce condamné exerce
l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa
résidence habituelle. (...)
Ces dispositions ne remettent pas en cause la condition générale liée à
l’existence d’efforts sérieux de réinsertion sociale exigée par l’article 729,
qui doit être appréciée par le juge de l’application des peines. Elles
n’impliquent donc pas l’octroi systématique d’une mesure de libération
conditionnelle rentrant dans leur champ d’application.
Elles permettent en revanche, selon l’importance de la peine prononcée, une
libération plus rapide que celle pouvant intervenir dans les délais prévus par
cet article. (...) "
Ces dispositions étendent les pouvoirs du juge de l’application des peines en
matière de libération conditionnelle et répondent aux critiques élevées depuis
nombreuses années sur le fait qu’aucune libération anticipée pour les malades en
phase terminale n’était prévue par la législation française à l’exception de la
procédure de grâce médicale qui relève de l’appréciation du Président de la
République (articles 17 et 19 de la Constitution).
iii. Une loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé complète le code de procédure pénale et y insère un nouvel
article 720-1-1. Cette disposition prévoit la possibilité de suspendre une
peine, " quelque soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à
subir pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une
pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est
durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas
d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles
mentaux ". Le juge peut ordonner une suspension de la peine pour une durée qui
n’a pas à être déterminée. Il diligente les deux expertises nécessaires en vue
de prononcer la suspension ou de la supprimer.
iv. L’article 803 du code est ainsi libellé :
" Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est
considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme
susceptible de tenter de prendre la fuite. "
Une circulaire générale C 803 du 1er mars 1993, relative à cet article, prévoit
:
" L’article 60 de la loi du 4 janvier 1993, entré en vigueur dès la publication
de la loi, crée un article 803 posant le principe que nul ne peut être soumis au
port des menottes ou des entraves que s’il est considéré comme dangereux pour
autrui ou pour lui-même, ou susceptible de vouloir prendre la fuite. Cette
disposition s’applique à toute escorte d’une personne, qu’elle soit gardée à
vue, déférée, détenue provisoire ou condamnée. Il appartient aux fonctionnaires
ou militaires de l’escorte d’apprécier, compte tenu des circonstances de
l’affaire, de l’âge et des renseignements de personnalité recueillis sur la
personne escortée, la réalité des risques qui justifient seuls, selon la volonté
du législateur, le port des menottes ou des entraves.
Sous réserve de circonstances particulières, une personne gardée à vue après
s’être volontairement constituée prisonnière, une personne dont l’âge ou l’état
de santé réduisent la capacité de mouvement, une personne qui n’est condamnée
qu’à une courte peine d’emprisonnement ne sont pas susceptibles de présenter les
risques prévus par la loi. (...) "
III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT
27. Rapport au Gouvernement de la République Française relatif à la visite en
France effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 14 au 26 mai 2000
Si les conditions matérielles de détention au centre pénitentiaire de Lannemezan
ont été jugées de haute qualité (§ 78 du rapport), le transfert en milieu
hospitalier extérieur continue d’être une préoccupation soulevée par la CPT dans
le cadre de ses visites des établissements pénitentiaires :
" En dépit des recommandations faites par le CPT au paragraphe 144 de son
rapport relatif à la visite de 1996, la délégation qui a effectué celle de 2000,
a encore recueilli des informations (notamment à Lyon) sur les conditions de
transfert ainsi que d’examen médical et d’hospitalisation de patients détenus,
non conformes à l’éthique médicale : menottage systématique, serré des patients,
sans distinction quant à leur état de santé ou âge ; examen/soins médicaux en
présence de membres de forces de l’ordre, patients entravés à leur lit
d’hôpital.
A cet égard, les autorités françaises ont signalé avoir élaboré un projet de
circulaire en vue de faciliter l’application du principe du caractère
exceptionnel de l’usage de menottes ou d’entraves.
Le CPT recommande d’accélérer l’adoption de ce texte et d’y inclure expressément
les recommandations formulées au paragraphe 144 de son rapport relatif à la
visite de 1996, à savoir :
- que toute consultation médicale de même que tous les examens et soins médicaux
effectués dans les établissements hospitaliers civils se déroulent hors de
l’écoute et – sauf demande contraire du personnel médical soignant relative à un
détenu particulier - hors de la vue des membres des forces de l’ordre ;
- d’interdire la pratique consistant à entraver à leur lit d’hôpital des
patients détenus pour des raisons de sécurité.(...)
Le CPT en appelle aux autorités françaises pour qu’elles mènent à bien dans les
meilleurs délais, la mise en place du schéma national d’hospitalisation afin
d’offrir dans tout le pays, des conditions de prise en charge hospitalière de
patients détenus conformes à l’éthique médicale et au respect de la dignité
humaine. " (§ 105 du rapport). "
28. Troisième rapport général d’activités du CPT couvrant la période du 1er
janvier au 31 décembre 1992 (services de santé dans les prisons – III – )
iv) incapacité à la détention
" Des exemples typiques sont ceux de détenus qui présentent un pronostic fatal à
court terme, ceux qui souffrent d’une affection grave dont le traitement ne peut
être conduit correctement dans les conditions de la détention ainsi que ceux qui
sont sévèrement handicapés ou d’un grand âge. La détention continue de telles
personnes en milieu pénitentiaire peut créer une situation humainement
intolérable. Dans des cas de ce genre, il appartient au médecin pénitentiaire
d’établir un rapport à l’intention de l’autorité compétente, afin que les
dispositions qui s’imposent soient prises. "
29. Recommandation No R (98) 7 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe le 8 avril 1998 relative aux aspects éthiques et organisationnels des
soins de santé en milieu pénitentiaire
" C. Personnes inaptes à la détention continue: handicap physique grave, grand
âge, pronostic fatal à court terme
50. Les détenus souffrant de handicaps physiques graves et ceux qui sont très
âgés devraient pouvoir mener une vie aussi normale que possible et ne pas être
séparés du reste de la population carcérale. Les modifications structurelles
nécessaires devraient être entreprises dans les locaux pour faciliter les
déplacements et les activités des personnes en fauteuil roulant et des autres
handicapés, comme cela se pratique à l’extérieur de la prison.
51. La décision quant au moment opportun de transférer dans des unités de soins
extérieures les malades dont l’état indique une issue fatale prochaine devrait
être fondée sur des critères médicaux. En attendant de quitter l’établissement
pénitentiaire, ces personnes devraient recevoir pendant la phase terminale de
leur maladie des soins optimaux dans le service sanitaire. Dans de tels cas, des
périodes d’hospitalisation temporaire hors du cadre pénitentiaire devraient être
prévues. La possibilité d’accorder la grâce ou une libération anticipée pour des
raisons médicales devrait être examinée. "
30. Recommandation Rec (2000) 22 du Comité des Ministres aux Etats membres
concernant l’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les
sanctions et mesures appliquées dans la Communauté
Annexe 2 : principes directeurs tendant à une utilisation plus efficace des
sanctions et mesures appliquées dans la communauté
" Législation
1. Il convient de mettre en place un éventail de sanctions et mesures appliquées
dans la communauté qui soit suffisamment large et varié et pourraient comporter,
à titre d’exemple :
(...)
- la suspension, assortie de conditions, de l’exécution d’une peine
d’emprisonnement ; (...) "
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
31. Le requérant se plaint de son maintien en détention et des conditions de
celle-ci nonobstant la grave maladie dont il souffre. Il invoque l’article 3 de
la Convention, aux termes duquel :
" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains
ou dégradants. "
A. Arguments des parties
32. Le requérant considère que l’incarcération doit se réduire à la privation de
liberté d’aller et de venir et que l’ensemble des autres droits fondamentaux
survivent à l’enfermement. La Cour devrait donc, selon lui, s’attacher à
déterminer si les souffrances endurées pendant sa détention et alors qu’il était
malade revêtent un seuil suffisant de gravité pour tomber sous le coup de
l’article 3 de la Convention.
33. Selon le requérant, la détention est en soi incompatible avec l’état de
santé des détenus atteints d’une pathologie engageant leur pronostic vital. Tel
était son cas dès 1998 et a fortiori en juin 2000 lorsque le Docteur D.
concluait dans son rapport à la nécessité d’une prise en charge en milieu
spécialisé. Malgré cela, les autorités se contentèrent de le transférer au
centre de détention de Muret au lieu de suspendre sa peine ainsi que le
permettait l’article 722 du code de procédure pénale ou de recevoir
favorablement sa demande de grâce pour raison médicale. L’adoption de la loi du
4 mars 2002 (voir droit interne pertinent § 24) est, selon le requérant, la
reconnaissance de l’existence d’une violation de l’article 3 de la Convention en
cas de maintien en détention incompatible avec un état de santé extrêmement
grave.
34. La gravité des souffrances qu’il a endurées dans le cadre de sa détention et
l’administration des soins méritent également la qualification de traitement
contraires à l’article 3 de la Convention.
En premier lieu, sa détention en cellule collective jusqu’au mois de juin 2000 à
la maison centrale de Lannemezan sans aucune précaution sanitaire, alors que son
traitement en chimiothérapie diminuait fortement ses défenses immunitaires, le
plaçait dans une situation inhumaine et dégradante.
Ensuite, les conditions épouvantables de ses extractions médicales dues au fait
qu’il était constamment enchaîné, alors qu’il n’avait jamais cherché à s’évader,
le faisaient souffrir et le maintenaient dans une situation dégradante. Le
requérant explique que les transports en fourgon cellulaire (un véhicule
sanitaire pour les extractions vers l’hôpital ne fut utilisé qu’à partir du mois
de mai 2000) étaient douloureux. Par ailleurs, il affirme que lors des séances
de chimiothérapie, ses pieds étaient enchaînés et l’un de ses poignets attaché à
son lit d’hôpital. Un tel enchaînement lui aurait été également imposé lors
d’une opération réalisée à la fin de l’année 1999, en présence de l’escorte et
des gendarmes, consistant en la pose d’un port à cath afin de pouvoir lui
dispenser le traitement. Le requérant considère que le port des menottes ne se
justifiait pas compte tenu de ses faiblesses physiques, de la présence d’un
dossier disciplinaire vierge et estime qu’aucune raison particulière ne
permettait aux escortes de penser qu’il présentait un quelconque danger.
Enfin, le requérant dénonce les conditions de soins dispensés en présence des
forces de l’ordre. C’est cette présence particulièrement humiliante qui l’a
poussé à refuser de donner son consentement pour les soins en juin 2000.
Le requérant en conclut qu’il a subi un traitement pénitentiaire inadapté à la
pathologie dont il souffre qui a entraîné des souffrances physiques et morales
suffisantes pour constituer un traitement inhumain et dégradant au sens de
l’article 3 de la Convention.
35. Le Gouvernement soutient que le requérant a été régulièrement suivi par
l’unité de consultation et de soins ambulatoires de la maison centrale de
Lannemezan, ainsi qu’au Centre hospitalier universitaire de Toulouse. Lors de
son transfert, le dossier médical du requérant fut remis à l’unité de
consultation et de soins du centre de détention de Muret qui put ainsi assurer
le suivi du traitement. A partir du mois de novembre 2000, le requérant a fait
l’objet chaque mois d’hospitalisation de jour au centre hospitalier
universitaire de Toulouse, où il a subi des séances de chimiothérapie. Ce suivi
thérapeutique a été assuré de façon régulière jusqu’à la libération du
requérant.
Le Gouvernement observe que le requérant est détenu depuis le 20 juillet 1994
mais qu’il ne souffre de problèmes de santé que depuis la fin de l’année 1998.
C’est donc à partir de 1998 que son état de santé s’est détérioré. Un certificat
médical établi le 12 mai 2000 dans le cadre d’un recours en grâce mentionne la
nécessité d’une expertise. Le rapport, établi dès le 28 juin 2000, a souligné le
caractère problématique du traitement anticancéreux suivi par le requérant
compte tenu du refus de celui-ci de se soumettre au traitement et c’est dans ce
contexte que l’expert a conclu à une prise en charge en milieu spécialisé. Les
autorités judiciaires ont donné suite immédiatement à ce rapport en décidant du
transfert vers le centre de détention de Muret afin d’être plus proche du centre
hospitalier de Toulouse. Ce transfert, intervenu le 19 juillet 2000, soit moins
d’un mois après les conclusions du rapport d’expertise daté du 28 juin 2000,
montre le souci constant des autorités compétentes d’assurer la compatibilité
des conditions de détention du requérant avec son état de santé.
Le Gouvernement relève que le requérant bénéficia d’une cellule individuelle
lors de sa détention au centre de Muret (dans ses observations complémentaires,
il soutient cependant qu’il en était de même au centre de détention de
Lannemezan), qu’il y travailla et qu’il avait par ailleurs des relations avec
l’extérieur par le biais du téléphone, du courrier, du parloir et de permissions
de sortie.
Sur le déroulement des séances de chimiothérapie, le Gouvernement soutient que
le requérant fait allusion à un incident en date du 30 mai 2000 au cours duquel
il essaya de modifier lui-même le débit de sa perfusion. A cet égard, il affirme
que les agents de l’escorte n’interviennent pas sur la durée des soins et la
surveillance médicale qui relèvent à part entière de la responsabilité du
personnel médical et paramédical.
Enfin, sur le port des menottes, le Gouvernement reconnaît que le requérant
était effectivement entravé durant le trajet entre la prison et l’hôpital mais
libéré dès son arrivée dans la salle des soins où il se trouvait sans la
présence du personnel pénitentiaire. Cette entrave était justifiée, selon lui,
par les condamnations antérieures du requérant (selon le Gouvernement, vingt ans
de réclusion criminelle le 5 mai 1976 pour assassinat, huit ans pour vol avec
armes le 15 juin 1987) pour faits graves et par la proximité géographique de son
lieu de résidence familiale, à Toulouse, qui n’excluait pas qu’il puisse
bénéficier de complicités locales, accrues par la régularité et la fréquence de
ses extractions vers le même hôpital selon un trajet facilement identifiable.
Lors de l’incident du 30 mai 2000, l’importance de son reliquat de peine, les
rejets successifs de sa demande de grâce médicale et ses antécédents judiciaires
pouvaient légitimement faire craindre une tentative d’évasion de sa part à
l’aide de complicités locales. Le Gouvernement précise encore que d’après les
renseignements fournis par l’administration pénitentiaire, l’entrave aux membres
inférieures a été supprimée à une date non précisée cependant, compte tenu des
douleurs du requérant et de la nécessité pour lui de se déplacer avec une canne.
A la même époque, les menottes au poignet ont été remplacées par une chaînette
plus légère dans la mesure où le requérant se plaignait également de douleurs
aux bras dues à la perfusion par intraveineuse.
Selon le Gouvernement, tous ces éléments démontrent la prise en compte
systématique par les autorités responsables de l’état de santé du requérant pour
définir et moduler son régime de détention. Preuve en est que dès que le
requérant eut rempli les conditions légales pour obtenir une liberté
conditionnelle, sa demande fut instruite et acceptée dans les plus brefs délais.
En conséquence, et se référant à la décision de la Cour dans l’affaire Papon c.
France (no 64666/01, déc. 07.06.2001), le Gouvernement estime que les conditions
de détention du requérant n’ont jamais atteint un niveau suffisant de gravité
pour rentrer dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention.
B. Appréciation de la Cour
36. A titre liminaire, la Cour rappelle que le requérant a été admis au bénéfice
de la libération conditionnelle le 22 mars 2001. C’est donc sur la période
antérieure à cette date qu’elle va porter l’examen du grief tiré de la violation
de l’article 3 de la Convention, à partir du premier rapport médical faisant
état de la maladie du requérant le 8 janvier 1999 et jusqu’au 22 mars 2001, soit
plus de deux ans.
37. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence, pour tomber sous le coup de
l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité.
L’appréciation de ce minimum est relative par essence, elle dépend de l’ensemble
des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets
physiques et mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de
santé de la victime (voir les arrêts Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 91 et
Peers c. Grèce, no 28524/95, 19.04.2001, § 67). Si elle a égard au but du
traitement infligé et en particulier, la volonté d’humilier ou d’abaisser
l’individu, l’absence d’un tel objectif ne saurait forcément conduire à un
constat de non violation de l’article 3 (arrêt Peers précité, § 74).
38. La Convention ne comprend aucune disposition spécifique relative à la
situation des personnes privées de liberté, a fortiori malades, mais il n’est
pas exclu que la détention d’une personne malade puisse poser des problèmes sous
l’angle de l’article 3 de la Convention (Chartier c. Italie, rapport de la
Commission du 8 décembre 1982, D.R. 33, pp. 41-47, DeVarga-Hirsch c. France, no
9559/81, décision de la Commission du 9 mai 1983, D.R. 33 p.158, B. c.
République Fédérale d’Allemagne, no 13047/87, décision du 10 mars 1988, D.R. 55
p. 271). Au sujet d’un détenu souffrant d’affections liées à une obésité de
caractère héréditaire, la Commission européenne n’a pas conclu à une violation
de l’article 3 de la Convention car le requérant bénéficiait des soins
appropriés à son état de santé. Elle a cependant considéré que la détention, en
tant que telle, entraînait inévitablement des effets sur les détenus souffrant
d’affections graves. Elle prenait le soin de préciser qu’elle " ne saurait
exclure que dans des conditions d’une particulière gravité l’on puisse se
trouver en présence de situations où une bonne administration de la justice
pénale commande que des mesures de nature humanitaire soient prises pour y parer
" et concluait qu’elle serait " sensible à toute mesure que les autorités
italiennes pourraient prendre à l’égard du requérant, soit afin d’atténuer les
effets des détention, soit afin d’y mettre fin dès que les circonstances le
demanderont " (Rapport Chartier précité, pp. 48-49). La Cour, quant à elle, a
récemment rappelé que le maintien en détention pour une période prolongée d’une
personne d’un âge avancé, et de surcroît malade, peut entrer dans le champ de
protection de l’article 3 même si, dans cette décision, elle avait conclu que le
grief tiré de cette disposition était en l’espèce manifestement mal fondé (voir
Papon c. France précité). L’état de santé, l’âge et un lourd handicap physique
constituent désormais des situations pour lesquelles la capacité à la détention
est aujourd’hui posée au regard de l’article 3 de la Convention en France et au
sein des Etats membres du Conseil de l’Europe (voir §§ 26, 27, 29 et 30
ci-dessus).
39. Ainsi, en procédant à l’examen de l’état de santé du prisonnier et aux
effets de la détention sur son évolution, la Cour a considéré que certains
traitements enfreignent l’article 3 du fait qu’il sont infligés à une personne
souffrant de troubles mentaux (voir l’arrêt Keenan c. Royaume-Uni, no 27229/95,
3.04 2001, §§ 111-115). Dans l’arrêt Price c. Royaume-Uni, la Cour a jugé que le
fait d’avoir maintenu en détention la requérante, handicapée des quatre membres,
dans des conditions inadaptées à son état de santé, est constitutif d’un
traitement dégradant (no 33394/96, 10.07.2001, § 30).
40. Si l’on ne peut en déduire une obligation générale de libérer un détenu pour
motifs de santé, l’article 3 de la Convention impose en tout cas à l’Etat de
protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté notamment par
l’administration des soins médicaux requis (Avis de la Commission dans l’affaire
Hurtado c. Suisse du 28 janvier 1994, série A no 280-A, pp. 15-16, § 79). La
Cour a par la suite affirmé le droit de tout prisonnier à des conditions de
détention conformes à la dignité humaine de manière à assurer que les modalités
d’exécution des mesures prises ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à
une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance
inhérent à la détention ; elle ajouta que, outre la santé du prisonnier, c’était
son bien-être qui devait être assuré de manière adéquate eu égard aux exigences
pratiques de l’emprisonnement (arrêt Kudla précité, § 94).
41. En l’espèce, la Cour observe que le juge de l’application des peines a
considéré l’état de santé du requérant, en tant que tel, incompatible avec la
détention à partir du 22 mars 2001. La nécessité pour l’intéressé de recevoir
des soins médicaux dans le cadre d’une hospitalisation régulière a motivé sa
libération conditionnelle avec hébergement auprès de ses proches (voir § 24
ci-dessus).
42. C’est donc la question de la compatibilité d’un état de santé très
préoccupant avec le maintien en détention du requérant en prison dans un tel
état qui est posée par la présente affaire. Nourrie de la prise de conscience
actuelle de la réalité carcérale, la France est confrontée au problème de la
maladie en prison et du maintien en détention dans des circonstances qui ne se
justifieraient plus en termes de protection de la société (voir le rapport de
l’Assemblée Nationale, § 25).
43. La Cour observe l’évolution de la législation française en la matière avec
l’accroissement des compétences du juge de l’application des peines en cas de
maladie grave des condamnés. Comme elle l’a déjà souligné, le droit français
offre aux autorités nationales des moyens d’intervenir en cas d’affections
médicales graves atteignant des détenus. L’état de santé peut être pris en
compte pour une décision de libération conditionnelle en application de
l’article 729 du code de procédure pénale tel que modifié par la loi du 15 juin
2000, c’est à dire notamment " lorsqu’il y a nécessité de subir un traitement ".
En outre, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades permet la
suspension d’une peine pour les condamnés atteints d’une pathologie engageant le
pronostic vital ou dont l’état de santé est durablement incompatible avec le
maintien en détention (voir § 26 ci-dessus). La Cour constate ainsi que la santé
de la personne privée de liberté fait désormais partie des facteurs à prendre en
compte dans les modalités de l’exécution de la peine privative de liberté,
notamment en ce qui concerne la durée du maintien en détention. Il s’agit de
l’application de l’affirmation de la Cour selon laquelle, " le niveau d’exigence
croissant en matière de protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales implique, parallèlement et inéluctablement, une plus grande
fermeté dans l’appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés
démocratiques " (arrêt Selmouni c. France, [GC], no 25803/94, § 101).
44. La Cour constate que les dispositifs procéduraux instaurés par les lois des
15 juin 2000 et 4 mars 2002 mettent en place des recours devant le juge de
l’application des peines qui permettent, en cas de dégradation importante de
l’état de santé d’un détenu, de demander à bref délai sa libération et qui
suppléent le recours en grâce médicale réservé au président de la République.
Elle considère que ces procédures judiciaires peuvent être susceptibles de
constituer des garanties pour assurer la protection de la santé et du bien-être
des prisonniers que les Etats doivent concilier avec les exigences légitimes de
la peine privative de liberté. Toutefois, force est de constater que ces
mécanismes n’étaient pas accessibles au requérant au cours de la période de
détention examinée par la Cour, l’intéressé n’ayant eu, comme seule réponse de
l’Etat à sa situation, que le rejet non motivé de ses requêtes en grâce
médicale. Ainsi que le relève le Gouvernement, la mesure de libération
conditionnelle ne pouvait être accordée au requérant que dès le moment où il
remplissait les conditions pour l’obtenir, soit en 2001 ; quant à la possibilité
de demander la suspension de la peine, elle n’existait pas encore à l’époque
litigieuse de la détention.
45. Dans ces circonstances, la Cour a examiné si le maintien en détention du
requérant l’a placé dans une situation qui atteint un niveau suffisant de
gravité pour rentrer dans le champ d’application de l’article 3 de la
Convention. La Cour observe que l’état de santé du requérant fut jugé
constamment plus préoccupant et de plus en plus inconciliable avec la détention.
Le rapport du 28 juin 2000 fait état de la difficulté d’un traitement
anticancéreux dans le cadre d’une maison centrale et préconise une prise en
charge dans un milieu spécialisé. Il mentionne également l’état psychologique du
requérant provoqué par le stress de la maladie et qui a provoqué des
répercussions sur son espérance de vie et la dégradation de son état de santé.
La lettre du 20 novembre 2000 envoyée au requérant par le médecin de l’UCSA
confirme l’évolution de l’état de santé du requérant et ne parle que de
rémission possible. Autant d’éléments qui mettaient en lumière la progression de
la maladie du requérant et le caractère difficilement adéquat de la prison pour
y faire face, sans que des mesures particulières ne soient prises par les
autorités pénitentiaires. Il aurait pu s’agir d’une hospitalisation mais aussi
de tout autre placement dans un lieu où le condamné malade aurait été suivi et
sous surveillance, en particulier la nuit.
46. En outre, les conditions de transfert du requérant en milieu hospitalier
posent également problème. Il ne fait pas de doute que le requérant fut enchaîné
pendant les escortes même si cet enchaînement se révéla plus léger au fur et à
mesure que le port des entraves fut estimé contre-indiqué par les médecins. En
revanche, l’enchaînement lors de l’administration des soins et la présence des
agents de l’escorte pénitentiaire à cette occasion n’ont pu être démontrés. La
Cour note cependant que la réponse du directeur régional de l’administration
pénitentiaire concernant le port des menottes indique implicitement au requérant
que sa maladie ne l’exonère pas du port des menottes et que l’usage qui en a été
fait est un comportement normal lié à la détention.
47. La Cour rappelle que le port des menottes ne pose normalement pas de
problème au regard de l’article 3 de la Convention lorsqu’il est lié à une
détention légale et n’entraîne pas l’usage de la force, ni l’exposition
publique, au-delà de ce qui est raisonnablement considéré comme nécessaire. A
cet égard, il importe de considérer notamment le risque de fuite ou de blessure
ou dommage (arrêt Raninen c. Finlande du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII,
§56). En l’espèce, la Cour retient l’état de santé du requérant, le fait qu’il
s’agit d’une hospitalisation, l’inconfort du déroulement d’une séance de
chimiothérapie et la faiblesse physique de l’intéressé pour considérer que le
port des menottes en l’espèce était disproportionné au regard des nécessités de
la sécurité. S’agissant de l’état de dangerosité du requérant, et nonobstant son
passé judiciaire, elle note l’absence d’antécédents et de références faisant
sérieusement craindre un risque important de fuite ou de violence. Enfin, la
Cour prend acte des recommandations que le Comité européen pour la prévention de
la torture a formulées quant aux conditions de transfert et d’examen médical des
détenus qui continuent, selon celui-ci, de poser problème au regard de l’éthique
médicale et du respect de la dignité humaine (voir § 28 ci-dessus). Les
descriptions faites par le requérant des conditions de ses extractions ne
semblent pas, en effet, fort éloignées des situations qui préoccupent le comité
sur ce point.
48. En définitive, la Cour est d’avis que les autorités nationales n’ont pas
assuré une prise en charge de l’état de santé du requérant lui permettant
d’éviter des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Son maintien
en détention, surtout à partir du mois de juin 2000, a porté atteinte à sa
dignité. Il a constitué une épreuve particulièrement pénible et causé une
souffrance allant au delà de celle que comporte inévitablement une peine
d’emprisonnement et un traitement anticancéreux. La Cour conclut en l’espèce à
un traitement inhumain et dégradant en raison du maintien en détention dans les
conditions examinées ci-avant.
Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
49. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
" Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses
Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet
d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde
à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. "
A. Dommage
50. Le requérant réclame les sommes suivantes : 304 898 euros au titre des
souffrances physiques endurées en détention, la même somme au titre des
souffrances morales et 400 000 euros au titre du préjudice lié à la réduction de
son espérance de vie.
51. Le Gouvernement rappelle que l’allocation d’une satisfaction équitable vise
à compenser les seuls préjudices subis en raison de la violation de la
Convention constatée par la Cour. Il est donc impossible de spéculer sur
l’espérance de vie du requérant s’il avait bénéficié d’autres conditions de
détention. En outre, il est libre depuis le 22 mars 2001 et aucune indemnité au
titre de la réduction de l’espérance de vie ne saurait être allouée au requérant
compte tenu de l’absence de lien direct entre ce préjudice et la violation de
l’article 3 éventuellement constatée par la Cour.
Dans l’hypothèse où la Cour conclurait à une violation de l’article 3, le
Gouvernement considère les demandes du requérant manifestement excessives et
propose le versement de 9 000 euros, toutes causes de préjudices confondues.
52. La Cour considère que le requérant a pu éprouver de forts sentiments
d’angoisse en raison de sa détention et a subi un préjudice moral qui ne peut
être réparé uniquement par le constat de violation. Statuant en équité, la Cour
alloue au requérant 15 000 euros de ce chef.
B. Frais et dépens
53. Le requérant ne réclame rien à ce titre.
C. Intérêts moratoires
54. La Cour considère que le taux annuel des intérêts moratoires doit être
calqué sur celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne augmenté de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;
2. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter
du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la
Convention, 15 000 EUR (quinze mille euros) pour dommage moral ;
b) que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux annuel équivalant
au taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale
européenne augmenté de trois points de pourcentage à compter de l’expiration
dudit délai et jusqu’au versement ;
3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 novembre 2002 en application
de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Erik Fribergh Christos Rozakis
Greffier Président