Arrêts de chambre concernant (…)la Turquie

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18.12.2003

Communiqué du Greffier

Arrêts de chambre concernant (…)la Turquie Note : Turquie seulement

La Cour européenne des Droits de l’Homme a communiqué aujourd’hui par écrit les six arrêts de chambre suivants, dont seul l’arrêt de règlement amiable est définitif  (1)

(…)

Yurtseven et autres c. Turquie (no 31730/96) Règlement amiable

Les requérants, Ali Yurtseven, Haþim Yurtseven, Abdullah Özeken et Sabri Sarýtaþ, sont des ressortissants turcs nés respectivement en 1966, 1975, 1934 et 1971 et résidant à Yüksekova (sud-est de la Turquie). Ils sont les proches de Þemsettin Yurtseven, Mikdat Özeken et Münür Sarýtaþ, qui furent tous trois emmenés par des soldats le 27 octobre 1995, à l’occasion d’une opération militaire menée dans le village d’Aðaçlý. Depuis ce jour, les requérants n’ont pas obtenu de nouvelles d’eux.

Des poursuites pénales furent engagées contre la personne responsable de cette opération militaire ; il lui était reproché d’avoir battu à mort Þemsettin Yurtseven, puis d’avoir fait exécuter Mikdat Özeken et Münür Sarýtaþ parce qu’ils avaient été témoins de ces faits. Il fut acquitté pour insuffisance de preuves.

Les requérants soutiennent que la disparition de leurs proches et l’angoisse causée à leur famille par l’impossibilité de découvrir ce qui leur est arrivé a emporté violation des articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements ou peines inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 6 (droit à un procès équitable) et 7 (pas de peine sans loi) de la Convention.

L’affaire a été rayée du rôle à la suite d’un règlement amiable aux termes duquel les intéressés doivent percevoir 160 000 EUR.

Par ailleurs, le Gouvernement turc a fait la déclaration suivante : " The Government regret the occurrence of the actions which have led to the bringing of the present application, in particular the disappearance of the applicants’ three relatives. It is accepted that the unrecorded deprivation of liberty and insufficient investigations into allegations, as in the instant case, of subsequent disappearance of detainees, constitute violations of Articles 2 and 5 of the Convention and, having regard to the anguish caused to the applicants and their families, a violation of Article 3 of the Convention.

The Government undertake to issue appropriate instructions and adopt all necessary measures with a view to ensuring that all deprivations of liberty are fully and accurately recorded by the authorities and that effective investigations into alleged disappearances of detainees are carried out in accordance with their obligations under the Convention. It is noted in this connection that new legal and administrative measures have been adopted, which have resulted in a reduction in the occurrence of disappearance of detainees as well as more effective independent investigations into allegations of disappearance such as those made by the applicants (...)

The Government consider that the supervision by the Committee of Ministers of the Council of Europe of the execution of Court judgments concerning Turkey in this and similar cases is an appropriate mechanism for ensuring that improvements will continue to be made in this context. To this end, necessary co-operation in this process will continue to take place." (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

Violation de l’article 6 § 1

Dans les deux affaires turques suivantes, les requérants ont été traduits devant une cour de sûreté de l’Etat et condamnés à des peines d’emprisonnement en raison de leur appartenance ou de l’aide et assistance qu’ils ont portées à des organisations armées illégales. Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), les intéressés soutenaient que leur cause n’avait pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial, en raison de la présence d’un magistrat militaire dans la composition des cours de sûreté de l’Etat. Ils se plaignaient en outre de l’iniquité de la procédure ayant conduit à leur condamnation et soulevaient d’autres griefs tirés de l’article 6 de la Convention.

Çetinkaya et autres c. Turquie (no 57944/00)

Les requérants, Yavuz Çetinkaya, Mehmet Aydýn, Zeynep Yüksel et Helya Adýbelli sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1975, 1977, 1959 et 1955. M. Çetinkaya a été condamné à 18 ans d’emprisonnement, Mme Yüksel à quatre ans et six mois et Mme Adýbelli ainsi que M. Aydýn à trois ans et neuf mois chacun.

Ükünç et Güneþ c. Turquie (no 42775/98)

Les requérants, Volkan Ükünç et Deniz Güneþ, sont des ressortissants turcs nés en 1980 et résidant à Edirne. Ils furent déclarés coupables d’avoir porté aide et assistance au DHKP-C (Parti révolutionnaire de la libération du peuple- Front) et condamnés à deux ans et six mois d’emprisonnement chacun.

La Cour rappelle que le fait pour des civils de devoir répondre d’infractions réprimées par le code pénal devant une cour de sûreté de l’Etat composée notamment d’un magistrat militaire constitue pour eux un motif légitime de redouter un manque d’indépendance et d’impartialité de cette juridiction. Dès lors, la Cour conclut, à l’unanimité dans ces deux affaires, à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Par ailleurs, la Cour rappelle qu’un tribunal dont le manque d’indépendance et d’impartialité a été établi ne peut, en toute hypothèse, garantir un procès équitable aux personnes soumises à sa juridiction. Par conséquent, la Cour estime, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs tirés de l’équité de la procédure.

Sur l’application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour estime, à l’unanimité dans ces deux affaires, que les présents arrêts constituent en soi des satisfactions équitables suffisantes pour le préjudice moral allégué par les requérants. Elle rappelle que lorsqu’elle conclut que la condamnation d’un requérant a été prononcée par un tribunal qui n’était pas indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1, en principe le redressement le plus approprié serait de le faire rejuger en temps utile par un tribunal indépendant et impartial. Dans l’affaire Çetinkaya et autres c. Turquie, la Cour alloue conjointement aux requérants 2 000 EUR pour frais et dépens, et dans l’affaire Ükünç et Güneþ c. Turquie la Cour leur alloue 1 500 EUR. (L’arrêt Çetinkaya et autres c. Turquie n’existe qu’en français et l’arrêt Ükünç et Güneþ c. Turquie qu’en anglais).

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Rédigés par le greffe, ces résumés ne lient pas la Cour. Le texte complet des arrêts de la Cour est disponible sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
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La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Elle se compose d’un nombre de juges égal à celui des Etats parties à la Convention. Siégeant à temps plein depuis le 1er novembre 1998, elle examine en chambres de 7 juges ou, exceptionnellement, en une Grande Chambre de 17 juges, la recevabilité et le fond des requêtes qui lui sont soumises. L’exécution de ses arrêts est surveillée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. La Cour fournit sur son site Internet des informations plus détaillées concernant son organisation et son activité.


(1)

L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Pour le reste, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.