Militants bretons détenus : un « maton » contre Lebranchu

Nous diffusons ici une lettre d’un gardien de prison que « Bretagne-Hebdo » du mercredi 24 avril 2002 vient de publier. Il s’agit d’un témoignage « brut de décoffrage » dont l’intérêt nous semble certain.

Pour la coordination Anti-Répressive de Bretagne,
Le porte-parole,
Claude Le Duigou.


J’ai 32 ans, je viens d’un petit village de la région rennaise, je travaille dans l’administration pénitentiaire, c’est pourquoi je tairai mon identité car je suis soumis au droit de réserve et à cause de ce que j’ai à vous révéler. Comme beaucoup de Bretons, je suis fonctionnaire de l’administration pénitentiaire non par vocation mais par nécessité; dans plusieurs années, je pourrai peut-être demander à être affecté dans un établissement situé en Bretagne.

Je suis syndiqué à la CGT-pénitentiaire qui est minoritaire. Si je suis poursuivi pour mes écrits, j’aurai donc peu de soutien de la part de mes collègues. De par mes fonctions, j’ai accès au greffe de la maison d’arrêt de la région parisienne où je travaille, et donc à une partie du dossier pénal des détenus. Je condamne la violence qui n’est pas une solution, mais je considère que la Bretagne mérite mieux que le sort qui lui est réservé actuellement sur le plan des pouvoirs de décision. J’avoue avoir du mal à me reconnaître dans le mouvement breton actuel, mais je suis avec attention les débats et l’actualité régionale.

Tout d’abord en tant que professionnel de la Justice, je suis atterré de la suffisance qu’affiche Madame Lebranchu au sujet de son bilan en tant que Garde des Sceaux. Nos revendications au sujet des 35 heures ne sont pas entendues ; il y a toujours plus de tâches à effectuer et peu d’embauches, et pourtant l’ambiance ici est de plus en plus tendue en raison de la dégradation des conditions de sécurité et de l’explosion depuis l’affaire Bonnal (Le Chinois) du nombre d’incarcérations provisoires. En tant que Breton, je suis sidéré que Madame Lebranchu ose affirmer que la justice est indépendante, égale et juste pour tout le monde. J’ai croisé certains de ceux que vous appelez « prisonniers politiques bretons ». Ils m’ont donné l’air d’être un peu naïfs et un peu dépassés par la médiatisation de leurs cas. Toutefois, ils restent dignes, polis et convaincus, rien à voir avec les racailles, toxicomanes, violeurs et autres pédophiles que l’on croise ici. En ce moment dans certaines cellules de 10 m² ; il y a jusqu’à 4 détenus qui doivent cohabiter 22 heures sur 24 ; les détenus d’origine basque, bretonne ou corse ne sont jamais impliqués dans des bagarres, au contraire ils sont facteurs d’apaisement. Pourtant, eux non plus ne dorment pas au quartier VIP où sommeillent seuls en cellule ceux qui ont pillé la république...

J’ai dû suivre une courte formation de droit pour travailler ici, et comme sur tous les frontons officiels, on peut lire sur la maison d’arrêt où je travaille « liberté, égalité, fraternité ». Et c’est là que le bât blesse … Pourquoi alors quasiment tous les détenus corses qui ont reconnu être membres du groupe terroriste Armata Corsa et qui ont été arrêtés avec des armes et des explosifs sont-ils en liberté après plusieurs mois passés ici en préventive ? Pourquoi eux, dont l’organisation opposée au processus de Matignon a revendiqué (excusez du peu !) 2 assassinats, de nombreux plasticages et une voiture piégée en plein Paris, et pas les Bretons , Pourquoi l’auteur du communiqué de revendication de groupe autonomiste corse Clandestinu, qui a provoqué 2 énormes attentats en plein jour en septembre 1999, a t-il été remis en liberté au bout de … 8 jours, alors que l’ancien porte-parole d’Emgann est, si j’en crois Libération, toujours en détention au bout de presque 24 mois pour avoir tapé un communiqué signé ARB ? La justice aurait-elle peur des Bretons ou aurait-elle peur de reconnaître qu’elle s’est trompée en les inculpant de tout et n’importe quoi, y compris un attentat tragique qu’ils ont condamné ? Pendant ma formation juridique, on ne m’a pas expliqué qu’il existait un supplément régional au Code de procédure pénale pour les différents terroristes. Toutes ces informations sont vérifiables auprès du parquet antiterroriste. Quant à Madame Lebranchu, qu’elle soit sure que je ne voterai pas socialiste comme beaucoup de mes collègues.

Patrick T. ;
Surveillant de Prison
(Prénom d’emprunt)