Jugement définitif suite à un article paru dans "Le Point".

 3 O SEPTEMBRE 2CO2

EXTRAIT des MINUTES du SECRETARIAT GREFFE
du TRIBUNAL de GRANDE INSTANCE de LORIENT MORBIHAN
DELIBERE DU Lundi 24 Juin 2002

N° de Parquet : 00010815
N° de jugement 1539/2002

A l'audience publique du Lundi 27 Mai 2002 à 13h.30, tenue en matière correctionnelle par Monsieur CHATELAIN, Président, Madame MARC et Mademoiselle GEORGET, Juges, assistés de Monsieur RENNELA, Greffier, et en présence de Madame ROUX-GOURVIL, Substitut du Procureur de la République, a été appelée l'affaire entre :

1° LE MINISTERE PUBLIC

2° PARTIE CIVILE

Monsieur LE DUIGOU Claude, demeurant 20, rue de Finlande - 56100- LORIENT partie civile comparante, assistée de Maître BENABES, Avocat inscrit au Barreau de LORIENT,
D'UNE PART,

ET :
Monsieur Pascal IRASTORZA, né le 29 Décembre 1960 à PARIS lOème 75, fils de Claude et de Claudine DEROUET, domicilié chez Me NORMAND-BODARD Xavier, 37, rue Galilée -75116 - PARIS ; journaliste ; divorcé, de nationalité française, déjà condamné ; libre ;

non comparant, représenté par Maître LE GUNEHEC, Avocat au Barreau de PARIS ;

prévenu de :
complicité de diffamation ;

Monsieur Bernard WOUTS né le 22 Mars 1940 à ROUBAIX -Nord, domicilié au Journal Le Point, 74, Avenue du Maine -75682 - PARIS CEDEX 14 ; directeur de Publication ; de nationalité française, déjà condamné ; libre ;

non comparant, représenté par Maître LE GUNEHEC, Avocat au Barreau de PARIS

prévenu de : DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN AUDIOVISUEL ;

D'AUTRE PART,

A l'appel de la cause, le Président a constaté que Monsieur IRASTORZA Pascal, absent, est représenté par son conseil Maître LE GUNEHEC, Avocat au Barreau de PARIS, et a donné connaissance de l'acte saisissant le Tribunal ;

Le Président a constaté que Monsieur WOUTS Bernard, absent, est représenté par son conseil Maître LE GUNEHEC, Avocat au Barreau de PARIS, et a donné connaissance de l'acte saisissant le Tribunal i

Monsieur LE DUIGOU Claude s’est constitué partie civile à l'audience ; il a été entendu en sa demande ;
Maître BENABES, Avocat de la partie civile, a été entendu en sa plaidoirie ;

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.
Maître LE GUNEHEC, Avocat de Monsieur IRASTORZA Pascal et de Monsieur WOUTS Bernard, a été entendu en sa plaidoirie ;
La Défense ayant eu la parole en dernier ;

Le greffier a tenu note du déroulement des débats ;

Puis, à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 27/05/2002, le Tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le jugement serait prononcé le 24/06/2002 ;

A cette date, le Tribunal ayant délibéré et statué conformément à la loi, le jugement a été rendu par Monsieur CHATELAIN, Président, assisté de Monsieur RENNELA, Greffier, et en présence du Ministère public, en vertu des dispositions de la loi du 30 décembre 1985 ;

LE TRIBUNAL,



-SUR L ' ACTION PUBLIQUE :

Attendu que, Monsieur IRASTORZA Pascal a été renvoyé devant ce Tribunal par ordonnance de Mme LE PORT, Juge d I Instruction de ce siège, en date du 08/03/2002 ;

Attendu que Monsieur IRASTORZA Pascal a été cité à l'audience du 27/05/2002 par Monsieur le Procureur de la République suivent acte de Maître GENNA, Huissier de Justice à PARIS 1er, délivré le 26/03/2002 à domicile ;
Que la citation est régulière ;? Qu’il est établi qu'il en a eu connaissance ;

Attendu que le prévenu n'a pas comparu ;
qu'il y a lieu de statuer contradictoirement en application de l'article 411 du Code de Procédure Pénale ;

Attendu qu'il est prévenu :

D'avoir à LORIENT et PARIS, en tout cas dans le ressort judiciaire de LORIENT le 5 Mai 2000 et depuis temps non prescrit été complice du "délit de diffamation publique à l'encontre d'un particulier commis par M. Bernard WOUTS, directeur de la publication, en étant l'auteur d’un article paru dans le "Point" n° 1442 du 5 mai 2000, intitulé "Breton en déroute», commençant par "cette fois " et finissant par "paillasson métallique" mis en vente dans des lieux publics et portant allégation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération de Claude LE DUIGOU, en l'espèce en publiant : "La dynamite avait servi lors de l'attentat du 19 avril contre un MAC DO à Quévert près de Dinan qui provoqua la mort d'une employée. Le même jour un autre engin explosif avait été découvert près de la poste de Rennes. Seize jours plus tôt Solenn GEORGEAULT, journaliste au mensuel EMGANN et interpellée" mardi s'était vu refuser un chèque libellé en breton. Pendant près d'une demi-heure l'employé avait subi des récriminations d'un autre nationaliste, Claude LE DUIGOU. Il a été interpellé mercredi sur l'Ile de Groix. Il menaçait la poste d'une manifestation et prévenait de la présence possible d'éléments incontrôlés. De lourds sous-entendus", ainsi que l'intertitre "lourdes menaces après le refus d'un chèque libellé en breton" ;

Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 48-6ème de la Loi du 29 Juillet 1881 relative à la presse, 121-6, 121-7, 311-4, 311-14 du Code Pénal.

Attendu que Monsieur WOUTS Bernard a été renvoyé devant ce Tribunal par ordonnance de Mme LE PORT, Juge d’instruction de ce siège, en date du 08/03/2002 ;

Attendu que Monsieur WOUTS Bernard a été cité à l'audience du 27/05/2002 par Monsieur le Procureur de la République suivent acte de Maître GENNA, Huissier de Justice à PARIS 1er, délivré le 26/03/2002 à domicile ;
Que la citation est régulière ; Qu’il est établi qu'il en a eu connaissance ;

Attendu que le prévenu n'a pas comparu ;
qu'il y a lieu de statuer contradictoirement en application de l'article 411 du Code de Procédure Pénale ;

Attendu qu'il est prévenu :

D'avoir à LORIENT et PARIS, en tout cas dans le ressort judiciaire de LORIENT le 5 Mai 2000 et depuis temps non prescrit, étant directeur de publication du journal le "Point" en publiant dans le Mo 1442 du 5 Mai 2000, Un article intitulé "Breton la déroute" commençant par "cette fois" et finissant par "paillasson métallique", mis en vente dans des lieux publics, portant allégation ou imputation de faits portant atteinte à son honneur ou à sa considération, diffamé Claude LE DUIGOU en l'espèce en publiant "La dynamite avait servi lors de l'attentat du 19 avril contre un MAC DO à Quévert près de Dinan qui provoqua la mort d'une employée. Le même jour un autre engin explosif avait été découvert près de la poste de Rennes. Seize jours plus tôt Solenn GEORGEAULT journaliste au mensuel EMGANN et interpellée mardi s'était vu refuser un chèque libellé en breton. Pendant près d'une demi-heure l'employée avait subi des récriminations d'un autre nationaliste, Claude LE DUIGOU.Il a été interpellé mercredi sur l'Ile de Groix. Il menaçait la poste d'une manifestation et prévenait de la présence possible d'éléments incontrôlés. De lourds sous-entendus", ainsi que l'intertitre "lourdes menaces après le refus d’un chèque libellé en breton" ;

Faits prévus et réprimés par les articles 23, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 48-6ème de la Loi du 29 Juillet 1881 relative à la presse ;

MOTIFS DE LA DÉCISION.

1°- SUR L'ACTION PUBLIQUE

Il ressort des débats et des pièces du dossier les éléments suivants ;
Au cours de l'année 1999 et de celle de l'année 2000, des actions violentes qualifiées d'attentats avaient lieu en Bretagne imputées aux séparatistes bretons.
Le 28 Septembre 1999, huit tonnes de dynamite étaient dérobées à PLEVIN (22).
Dans la nuit du 13 au 14 Avril 2000, une explosion avait lieu dans le restaurant Mac Donald de PORNIC ( 44) revendiquée par l'Armée Révolutionnaire Bretonne.
Le 19 Avril 2000, à 10 heures, une bombe explosait dans les locaux de celui de QUEVERT(22), causant la mort de l'une des employées Laurence TURBEC âgée de 28 ans.
Le même jour, vers 7 heures 30, un colis piégé était découvert devant les locaux de la poste de RENNES( 35 )située sur le Mail MITTERRAND.

Une information judiciaire était ouverte confiée aux juges d'instruction LE VERT et THIEL qui délivraient une commission rogatoire les 21 Avril et 2 Mai 2000 aux policiers de la Division
Nationale Anti Terroriste aux fins de rechercher, d’identifier et d'interpeller les auteurs de ces attentats.

Dans le cadre de cette commission rogatoire, Claude LE DUIGOU était interpellé le 3 Mai 2000, placé en garde en vue à 12 h 15 jusqu'au 6 Mai 2000 à 20 heures 35.

L'article, objet da la présente action en diffamation, a été diffusé le 5 Mai 2000, et porte la signature de Pascal IRASTORZA.

Cet article porte atteinte à l'honneur et à la considération de Claude LE DUIGOU, militant engagé depuis longtemps dans la cause bretonne, dans la mesure où, par le biais d'insinuations contenues dans les formules "Il menaçait la poste d'une manifestation et prévenait de la présence possible d'éléments incontrôlés. De lourds sous entendus" ou par l'intertitre " De lourdes menaces après le refus d'un chèque en breton", il est établi un lien direct entre l'attentat de QUEVERT condamné de façon quasi- unanime par tous les partis politiques, le refus d'une chèque libellé en breton dans une agence de la poste de RENNES suivi d'un entretien téléphonique le 3 Avril 2000 entre l'un des responsable de cette agence et Claude LE DUIGOU et la tentative d'attentat contre la poste le 19 Avril 2000.

En d’autres termes, Claude LE DUIGOU dont l’identité est mentionnée, est identifié comme pouvant être l’auteur de ces attentats suite à l’entretien téléphonique vif du 3 Avril précédent.

La bonne foi, au sens des dispositions de la loi sur la presse, est constituée par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que la qualité de l’enquête.

Contrairement aux autres médias, ( D1a, D30, D 59, D63), la revue « Le Point », est le seul à avoir diffusé de l’identité de la partie civile et à établir un lien entre l’incident du 3 Avril 2000 et les attentats objets de la commission rogatoire.

Surtout, cet article est paru le 5 Mai 2000 alors que la garde à vue de Claude LE DUIGOU n'était pas encore terminée -elle le sera le lendemain à 20 heures 35- et sans que l'on sache si des charges allaient être retenues à l'encontre du gardé à vue.

La diffusion de façon hâtive d’une information incertaine concernant une personne gardée à vue dont l’identité est révélée au public ne répond pas à l’exigence de prudence et de mesure constitutive de la bonne foi.

Claude LE DUIGOU s'est constitué partie civile et réclame le versement des sommes de 8000 euros à titre de dommages-intérêts et de 1 500 au titre des frais irrépétibles. Il sollicite la publication par extraits du jugement à intervenir dans la revue" Le Point", aux mêmes lieu et place que l'article incriminé ainsi que sur le site Internet du journal et sur tout exemplaire diffusé du CD ROM d'archives ainsi que dans deux quotidiens régionaux.

Au vu des pièces produites aux débats et des débats, il convient de chiffrer le préjudice subi par la victime de cette diffamation à la somme de 1500 et le montant de ses frais irrépétibles, en vertu de l'équité, à celle de 600 euros.

La publication de la présente décision sera ordonnée dans la revue LE POINT, uniquement sur support papier et non pas sur le support électronique en l'absence de la preuve d'une diffamation originaire par cette voie ainsi que dans les deux quotidiens régionaux mentionnés au dispositif.

PAR CES MOTIFS.

Statuant publiquement et en premier ressort,

1°- SUR L’ACTION PUBLIQUE.

Contradictoirement à l'égard de Pascal IRASTORZA ;
Déclare Pascal IRASTORZA coupable des faits qui lui sont reprochés ;
Condamne Pascal IRASTORZA à la peine d’amende de 1500 euros ;
Contradictoirement à l'égard de Bernard WOUTS ;
Déclare Bernard WOUTS coupable des faits qui lui sont reprochés ;
Condamne Bernard WOUTS à la peine d’amende de 1500 euros ;
Vu l'article 1018 A du Code Général des Impôts ;
Dit que la présente décision est soumise à un droit fixe de procédure de 90 euros dû par chaque condamné ;


2°- SUR L'ACTION CIVILE.

Reçoit Claude LE DUIGOU en sa constitution de partie civile ;
Condamne solidairement Pascal IRASTORZA et Bernard WOUTS à payer à Claude LE DUIGOU 1500 euros ( MILLE CINQ CENTS EUROS) à titre de dommages et intérêts, et celle de 600 euros (SIX CENTS EUROS) en application de l'article 475-1 d u Code de Procédure Pénale ;
Ordonne la publication de la présente décision par extraits dans l’hebdomadaire LE POINT aux lieu et place de l'article incriminé ainsi que dans les quotidiens OUEST FRANCE et LE TÉLÉGRAMME, éditions régionales aux frais des prévenus ;
Rejette les autres demandes de publication ;
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale ainsi que des textes sus-visés.
Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.


Le Greffier Le Président

POUR EXPEDITION CONFORME LE GREFFIER DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LORIENT