Attentat de Quévert : « On y voit encore moins clair » selon Me Ronan Appéré

 

Trois questions à Me Ronan Appéré, défenseur de militants bretons

 

RENES, 1er avril (AFP) - Un an après l’attentat meurtrier perpétré contre le McDonald’s de Quévert, près de Dinan (Côtes d’Armor), Me Ronan Appéré, avocat de Christian Georgeault et de Gaël Roblin, en détention provisoire dans cette affaire, estime qu’ »on y voit encore moins clair » et dénonce « les certitudes des enquêteurs ».

 

Q : Vous défendez plusieurs personnes mises en examen et parfois toujours en détention provisoire dans le cadre de l’enquête sur l’attentat de Quévert. Ou en est-on un an après ?

R : « On y voit encore moins clair qu’il y a un an. On a commencé par présenter certains de mes clients comme des Bonnie and Clyde du terrorisme (NDLR : Solène Georgeault et Gaël Roblin, respectivement membre et porte-parole du parti indépendantiste Emgann). Solène est sortie de prison et il s’avère que la thèse de Bonnie and Clyde n’était pas la bonne. Quant à Christian Georgeault (NDLR : père de Solène et membre du bureau national d’Emgann), il n’y a aucun élément à charge contre lui. Contre Gaël Roblin non plus.

Le seul point d’ancrage de l’accusation et qui commence à s’effriter c’est la disquette (NDLR : remis à un journaliste en présence de MM. Georgeault et Roblin). Cette disquette contenait un communiqué de l’Armée Révolutionnaire Bretonne (ARB) démentant toute participation à l’attentat de Quévert mais revendiquant une action passée totalement inaperçue commise cinq jours plus tôt contre un McDonald à Pornic (Loire Atlantique). Ce n’est pas avec des tracts qu’on condamne les gens. Quand Gaël Roblin dit qu’il est un prisonnier politique dans le cas : on lui reproche ses opinions ».

 

Q : Vous considérez donc que l’enquête confiée à la section antiterroriste du parquet de Paris fait fausse route ?

R : Il est tout à fait regrettable qu’une seule orientation ait été donnée à l’enquête. Aucune autre piste n’a été explorée, ni de l’extrême droite, ni l’anarchisme ou autre. Il ne faut quand même pas oublier qu’il s’est passé des choses avant Quévert et qu’il y avait eu une fusillade contre le McDo trois semaines avant. Mais on s’obstine dans une voie. 

Ce qui me choque, c’est cette obstination aveugle, les certitudes des enquêteurs, on dirait qu’on s’est mis des œillères. C’est inquiétant. Pendant ce temps, les véritables auteurs courent toujours et on a perdu du temps. Il faudrait que les investigations se déplacent sur le terrain et changent de cible avant qu’il ne soit trop tard. Il faudrait bien qu’un jour on s’explique sur tout ça. On le fera devant le tribunal  si on ne peut pas le faire maintenant. J’espère que l’instruction sera close avant la fin de l’année ».

 

Q : Que devient la présomption d’innocence dans un dossier comme Quévert ?

R : J’ai eu le sentiment que l’autorité judiciaire fait une confiance aveugle aux enquêteurs de police, ce qui traduit un relâchement du contrôle des magistrats sur leurs officiers de police judiciaire. Il ne faut pas ensuite s’étonner qu’il y ait de ce fait de possibles erreurs judiciaires.

De plus, ce relâchement ne va pas dans le sens du respect du principe de la présomption d’innocence, principe fondamental auquel peut-être attachés les magistrats instructeurs mais certainement pas les policiers de la DNAT (Direction nationale anti-terroriste) ou ceux du SRPJ (service régional de police judiciaire).

Il est du devoir des magistrats de rendre à l’instruction son sens, c’est-à-dire qu’il s’agisse d’une véritable enquête judiciaire dirigée par des magistrats et impulsée par eux. Or il est permis de penser que les services de la DNAT ont parfois pris le pouvoir ».

AFP - 20 avril 2001