Il y a deux ans, une jeune femme mourait dans un attentat au McDo de Quévert

 

vendredi 19 avril 2002, 7h31

RENNES (AFP) - Le 19 avril 2000, vers 10h, une bombe a explosé dans le McDonald's de Quévert, sur la zone commerciale d'une bourgade située juste à côté de Dinan (Côtes d'Armor), tuant sur le coup Laurence Turbec, 28 ans, chef d'équipe qui avait manipulé la porte menant au sas de l'entrée de service.

Immédiatement alertés, les enquêteurs tracent un périmètre de sécurité, dans lequel pénètre un ballet incessant de gendarmes, policiers, procureur parisien, division nationale anti-terroriste, experts en explosifs...

Les journalistes, maintenus à distance, ne peuvent que contempler l'effigie de la marque internationale, tordue et noircie après l'impact, image symbolique restée dans les mémoires. 

Toute la journée du 19 avril, les informations se succèdent: l'explosion est un attentat, les explosifs proviennent de Plévin (Morbihan), où ils ont été volés en septembre 2000 par un commando de l'ETA et de l'Armée révolutionnaire bretonne (ARB), à qui les enquêteurs attribuent très vite l'attentat, qui n'a jamais été revendiqué. 

Le 30 avril suivant dans un communiqué, l'ARB nie avoir perpétré l'attentat de Quévert mais affirme avoir placé des explosifs dans un McDonald's de Pornic (Loire-Atlantique) cinq jours plus tôt. "Le matériel a disparu", poursuit le communiqué. En réalité, les enquêteurs découvrent que l'attentat avait bien eu lieu, provoquant des dégâts matériels mais n'avait donné lieu à aucune poursuite, les gendarmes ne s'étant pas déplacés.

L'attentat de Quévert a provoqué un vif émoi et une condamnation systématique en Bretagne, où aucun attentat n'avait jamais tué personne excepté des poseurs de bombe eux-mêmes, dans les années 70. 

Trois semaines après, 2.000 personnes s'étaient rassemblées sur la place du Parlement à Rennes, associations, collectifs, organisations culturelles et politiques, pour dénoncer la violence et faire part de leur indignation sous une bannière unique: "La Bretagne, c'est la vie". 

Deux ans après l'attentat de Quévert, alors que la justice soupçonne toujours les indépendantistes bretons, aucune formation politique ou culturelle n'a trouvé d'excuse aux auteurs de l'attentat.

Régulièrement désigné comme la vitrine légale de l'Armée révolutionnaire bretonne (ARB), le parti de la gauche indépendantiste bretonne, Emgann, amputé de plusieurs de ses membres détenus en région parisienne dans le cadre de l'instruction, revendique pourtant toujours ses 200 adhérents et sa lutte pour l'indépendance.

Plus généralement, la mouvance indépendantiste bretonne s'arc-boute sur la question des huit militants bretons maintenus pour certains depuis deux ans en détention provisoire dans le cadre des enquêtes sur les attentats revendiqués ou attribués à l'ARB et sur le vol d'explosifs de Plévin. "Des personnes poursuivies présentées comme coupables alors qu'il n'y a pas eu de procès", estime Claude Le Duigou, porte-parole de la Coordination anti-répressive de Bretagne (CARB).

Créée au lendemain des premiers coups de filets dans les milieux bretons à la suite du vol des explosifs de Plévin, la CARB (environ 100 adhérents) s'est maintes fois fait entendre depuis deux ans. "Notre rôle n'est pas de revendiquer l'indépendantisme mais de montrer que les indépendantistes sont criminalisés, le pouvoir voudrait les faire sortir du champ politique", poursuit M. Le Duigou, pour qui "le juge n'a rien sur Quévert".

Après une dizaine d'attentats dans les années 90, la Bretagne n'en a pas connu de nouveau depuis deux ans.