Paris néglige sa division antiterroriste

 

Une note dénonce les lacunes et le manque de moyens...

Surnommé «Eagle 4» (y gueule fort), Roger Marion minerait le terrain de son successeur à la tête de la division antiterroriste, Jean-Michel Mimran. Une note confidentielle du procureur de la République de Paris, sur la décadence de la division nationale antiterroriste (DNAT) censée traquer les activistes du Jihad international, agite les ministères de l'Intérieur et de la Justice depuis sa publication sur le site du Nouvel Observateur. Ce document daté du 26 juillet 2001, signé Jean-Pierre Dintilhac, et adressé au procureur général, Jean-Louis Nadal, alerte la chancellerie sur la misère de la DNAT depuis la promotion voilà deux ans, de son ex-patron, Roger Marion, au rang de numéro deux de la police judiciaire (PJ).

«Hémorragie».

Rédigée à l'origine par le nouveau chef de la 14e section antiterroriste du parquet de Paris, Michel Debacq, la note d'analyse commence par vanter les mérites du commissaire Jean-Michel Mimran qui dirige la DNAT, puis impute à demi-mots les lacunes de sa division à sa hiérarchie supérieure. Ainsi, «les effectifs de la DNAT, depuis septembre 1999, ont décru de manière constante pour atteindre une amputation du cinquième de ses fonctionnaires au jour d'aujourd'hui», c'est-à-dire de 15 policiers sur 75. «La section de répression du terrorisme international qui se retrouve sans chef, a vu ses moyens employés sur des priorités de terrorisme interne (corse et basque, ndlr), en raison de cette amputation», écrit le procureur. Selon nos sources, la section «terrointer» (dossiers islamistes, kurdes, etc.) de la DNAT n'a plus ni commissaire, ni chef de groupe. Le n°2 doit partir à la Réunion en mars, le n°3 à l'office des stups et le n°4 à la PJ de Paris. Un policier parle «de véritable hémorragie», de «départs forcés de fonctionnaires spécialisés», de «turn over dramatique imposé par le n°2 de la PJ»,

Roger Marion, hégémonique et colérique, surnommé «Eagle 4» (y gueule fort) qui minerait le terrain de son successeur Jean-Michel Mimran. Cet ex-chef de la lutte contre le trafic d'ouvres d'art, qui fut la «créature» de Marion, s'est finalement démarqué de son ex-mentor. Depuis, le sous-directeur de la PJ n'a de cesse de dégager Mimran de la DNAT, jalouse ses contacts avec les juges d'instruction, enquête sur sa vie privée, et a baissé sa note au motif qu'il a «trahi sa confiance». Le procureur, qui n'ignore rien de ces rivalités, stigmatise un «renouvellement trop rapide des effectifs», remplacés par des «officiers inexpérimentés» ou des «gardiens de la paix» (qui ne sont pas officiers de police judiciaire), ce qui est «préjudiciable à la qualité des procédures, souvent très sensibles».

Embarras.

Le procureur de la République de Paris juge donc «essentiel» de «donner les moyens» à la DNAT «d'accomplir ses missions et d'éviter que soit gêné son fonctionnement ou déstabilisé son personnel». Un message destiné à Marion. Embarrassée, la direction de la PJ avance des chiffres différents de «policiers actifs» (exceptés secrétaires et documentalistes) de la DNAT, «48 en 1995 et 52 en 2001» et s'engage à les passer à 60, «en raison des événements américains».

 

 Par Patricia Tourancheau. « Libération », les samedi 22 et dimanche 23 septembre 2001